Suicide d'un étudiant

Il y a quelques jours un étudiant a tenté de se suicider en s'immolant. Selon la presse , il n'avait plus de ressources pour entamer une nouvelle année universitaire qu'il triplait. Il avait laissé un message assez explicite et immédiatement médias, syndicats et étudiants firent de cette  tentative   un acte politique qu'ils amplifièrent à outrance  pour dénoncer la misère des étudiants, un système de bourses injuste .

Ce tragique fait divers a réveillé en moi des souvenirs lointains, enfouis, tapis au fond de moi mais toujours présents.

Dans ma famille un jeune étudiant de 22 ans s'est suicidé en mars 1959 : né avec une santé fragile, victime de fréquentes et violentes crises d'asthme, il avait toujours été, de la sixième à la terminale, un excellent élève qui recevait chaque année le prix d'excellence(Eh oui, à cette époque on accordait des prix aux bons élèves lors d'une cérémonie solennelle en fin d'année scolaire!)couronnant ainsi l'ensemble de son travail .

Ce drame fut bien sûr vécu douloureusement et tout l'équilibre familial s'en trouva bouleversé : un fils , un frère,s'était donné la mort et par son geste terrible il avait aussi réduit à néant toutes les années de sacrifices que ses parents s'étaient imposées, afin qu'il fasse de bonnes études universitaires.

Cette tragédie familiale eut droit à quelques lignes dans le Dauphiné Libéré de l'époque et c'est tout. La famille dû faire face toute seule, quelques étudiants offrirent une plaque le jour de l'enterrement et  on en resta là.

Il est toujours difficile et hasardeux d'expliquer un suicide, des éléments différents se mêlant, se combinant pour finalement conduire à l'acte fatal.

L'excellent élève asthmatique avait réussi sans problème sa première année de propédeutique et c'est au  niveau de la licence que brutalement tout se déglingua et qu'il fit l'amère expérience de l'échec.

Soixante ans plus tard, la tentative de suicide d'un étudiant lyonnais devient le porte-flambeau des revendications des universitaires, le patron de la CGT lui-même semble trop heureux de brandir ce fait-divers tragique!

Que faut-il en penser?

Je sais bien que les années ont passé mais je ne peux m'empêcher d'être choqué par ce qui me semble être aussi une forme de récupération politique assez malhonnête.

Je ne veux surtout pas juger ce malheureux étudiant lyonnais mais les réactions  des syndicats et des étudiants me semblent traduire une mentalité contemporaine qui s'est beaucoup trop développée durant ces dernières décennies et qui tend à vouloir toujours rendre l'Etat, le système, responsables des échecs individuels.

Trop facile de toujours accuser "l'Autre"!

Rassurant aussi!

C'est de sa faute,  pas de la mienne!

J'ai moi-même été boursier depuis la classe de sixième et jusqu'à l'université. Pendant mon adolescence ,les vacances de Noël, de Pâques et de l'été ont été en grande partie consacrées à de petits métiers dès que j'ai eu l'âge légal de le faire. Ceci m'a permis de m'habiller, d'acheter les livres nécessaires et de compléter  ma bourse .

L'Etat m'a toujours accordé une bourse mais il y mettait une condition: il fallait réussir! Interdit de redoubler! Tout redoublement entraînait une suspension de la bourse.

Honnêtement ceci ne m'a jamais choqué. Je trouvais normale cette exigence.

Par contre ce qui me blessait ,c'était le comportement de certains professeurs de lycée qui avaient tendance à mépriser quelque peu l'élève boursier.

Si je suis devenu à mon tour enseignant, c'est en partie pour ne pas leur ressembler!